Splendeurs du golf universel
Assurément Zhang Shaoxia est un cas d’espèce. Un historien d’art de renom et un universitaire, devenu par la suite un homme d’affaires, qui fortune faite se consacre exclusivement à la peinture, non pas comme un passe temps, un hobby, mais avec la même intensité et le même professionnalisme que dans ses activités antérieures, au point de créer en quelques années plus de mille de tableaux, voilà qui fait de cet artiste un cas à part.
Par le style de ses paysages on peut rapprocher Zhang de Camille Corot ou encore de Théodore Rousseau, cet autre peintre de Barbizon, tant par la légèreté du rendu que par la fluidité et la vivacité de la touche ou encore de Claude Monet et de ses nymphéas pour la répétition inlassable du même motif sous les aspects les plus variés.
Zhang a pour motif unique le terrain de golf. Toutefois si l’artiste ne l’avait pas notifié nul ne pourrait le deviner car ni les joueurs ni les trous ne sont représentés sur la toile. On a affaire à un fragment de paysage savamment composé, un terrain herbeux légèrement ondulé, souvent traversé par un cours d’eau ou par une mare, parsemé ou encadré par des arbres d’espèces différentes. Le golf est pour le peintre son terrain d’élection, on pourrait presque parler de terrain universel car il s’agit de golfs différents que l’artiste a fréquentés aux quatre coins du monde, au cours de sa vie, qui se ressemblent et qu’il serait difficile de localiser. Aussi réaliste qu’il soit représenté le golf a pour Zhang une valeur symbolique: c’est son chez soi, son lieu d’appartenance où il fait corps avec le paysage, où se déploie son sens de l’observation, son imaginaire et son talent de peintre.
On le voit, Zhang ne recherche pas un paysage grandiose, tourmenté ou exotique car un terrain de golf est somme doute assez banal et on ne peut s’empêcher de songer aux nombreux paysages peints par van Gogh à Auvers sur Oise dans les derniers mois de sa vie, où un simple champ de blé agrémenté de quelques arbres est transcendé par la peinture et revêt chaque fois un aspect différent.
Ce qui frappe avant tout le spectateur c’est cette capacité de l’artiste à offrir à partir de paysages similaires des points de vue aussi variés. Le motif est perçu en vision lointaine ou rapprochée, en surplomb ou en contre bas, en vision panoramique ou en cadrage serré et tronqué. L’artiste observe et décrit avec une incroyable minutie les arbres de différentes espèces aux différentes saisons de l’année. Tantôt gorgés de sève au printemps, tantôt empourprés à l’automne, tantôt dénudés sous le vent de l’hiver. De même, le terrain est tantôt recouvert d’un gazon vert et tendre et tantôt offre l’aspect d’une terre sèche et rocailleuse.
Le ciel aussi est parfois chargé de nuages et tourmenté, parfois dégagé et serein.
Cette diversité du paysage provient aussi du traitement pictural. Ici un traitement précis et détaillé, là une vision floutée et mouvante. La lumière légère et subtile qui éclaire différement chaque tableau en détermine l’atmosphère.
Dans chaque toile, quel qu’en soit le format, on perçoit et on ressent le sens aigu de l’observation de l’artiste et son amour de la nature, magnifiés par son talent. En se plaçant délibérément en marge ou à contre courant de l’art contemporain, en peignant des paysages, Zhang Shaoxia rejoint la démarche de David Hockney qui au cours de ces dernières années s’est consacré aux paysages du Yorkshire et plus récemment de Normandie.
L’artiste authentique est celui qui parvient à échapper aux modes et aux conventions du moment pour affirmer sa liberté et son indépendance, c’est-à-dire son originalité.
Yves Kobry
Historien et critique d’art
Membre de l’AICA